Jalons historiques pour une histoire de la Connaissance des temps de 1679 jusqu'au milieu du XXe siècle

La périodisation suivante est destinée à fournir au lecteur et à l’internaute, une grille de lecture et d’accompagnement historique des « Avertissements » rassemblés sur ce site et du contenu de la Connaissance des temps.
On trouvera dans ces « Avertissements » des informations plus détaillées sur les tables employées pour le calcul des éphémérides du Soleil, de la Lune, des planètes inférieures ou supérieures, des petites planètes (à partir des années 1830), quant à l’adoption des constantes fondamentales, des modifications de l’argument temps et du type de présentation des données numériques diverses employées dans la Connaissance des temps, mieux renseignées à partir de la direction de Jérôme Lalande.
Cette périodisation donne diverses informations jusqu’à présent non disponibles, notamment sur les calculateurs du Bureau affectés à la Connaissance des temps. On trouvera après ce tableau une courte bibliographie indicative.  

Epoque 1 / 1679-1701

23 volumes


La Connaissance des temps : une entreprise semi-privée de Joachim Dalencé, conseiller royal La Connaissance des temps est construite sur le modèle des éphémérides astronomiques de Johannes Hecker, elles-mêmes héritées des éphémérides de Johannes Kepler (1627-1630).
Le premier volume est livré au début du mois de mars 1679 (recension dans le Journal des Sçavans). Joachim Dalencé, l’abbé Jean Picard (jusqu’à son décès en 1682), puis Jean Lefèvre (à partir de 1683) calculent la Connaissance des temps qui comporte une centaine de pages, avec déjà quelques courtes notices savantes, au contenu non nécessairement astronomique. Comme Hecker, Dalencé a la volonté d’éradiquer tout contenu astrologique des éphémérides astronomiques.
Pas d’informations sur les tables astronomiques employées (mais les Tables Rudolphines de Kepler sont largement en usage chez les astronomes ; la Connaissance des temps est discutée dans le Journal des sçavans dès sa parution). En 1700, une querelle qui oppose les astronomes de la famille La Hire et Jean Lefèvre conduit à l’exclusion de ce dernier de l’Académie des sciences. Pontchartrain octroie le contrôle de la Connaissance des temps à la nouvelle Académie royale des sciences (renouvelée en 1699).   

Epoque 2 / 1702-1758

58 volumes


Académie royale des sciences : la Connaissance des Temps passe sous le contrôle de l’Académie royale des sciences ; Jacques Lieutaud en est le premier rédacteur. Premières évolutions notables du contenu de la Connaissance des Temps. Une légère connotation astrologique n’est pas complètement éradiquée.
Louis Godin (1730-34) puis Jean-Dominique Maraldi II (1735-1759) rédigent la Connaissance des Temps. On note des évolutions de la typographie, du frontispice, de la gravure des figures et du contenu de la Connaissance des Temps : éphémérides des éclipses des satellites joviens ; quelques éléments astronomiques sont destinés aux marins (pour aider à une navigation à l’estime) sans que la Connaissance des Temps devienne pour autant un almanach nautique.
Toujours peu ou pas d’informations sur les tables astronomiques sur lesquelles la Connaissance des Temps est calculée : tables de La Hire (1716 à 1735), Tables Rudolphines de Kepler corrigées ; tables de Jacques Cassini (après 1740 et revues par Cassini de Thury en 1748 et 1756).

Epoque 3 / 1759-1802

43 volumes


Académie royale des sciences puis Bureau des longitudes – de Jérôme Lalande à Pierre-Simon Laplace : la Connaissance des temps devient un almanach nautique. Jérôme Lalande est chargé en 1759 de la Connaissance des temps et conduit une évolution remarquable de la publication : contenu, additions étendues, tentative de changement de titre (Connaissance des mouvemens célestes, par Lalande, entre 1762 à 1766). Lalande fait appel à des calculateurs, plus ou moins supervisés par la calculatrice Nicole-Reine Lepaute, qu’il rémunère, et qui contribuent largement à la Connaissance des temps (tables, cartes d’éclipses, additions, catalogues d’étoiles, nouveautés en mécanique céleste, tables de la Lune de Mayer, d’Euler et de Clairaut….). Lalande assure une mise à jour des connaissances astronomiques, historiques et bibliographiques (il donne les adresses des correspondants de l’Académie royale des sciences) et fait de la Connaissance des temps un journal des nouveautés en astronomie.

Lalande donne les références des tables qu’il utilise. Ces tables post-newtoniennes sont désormais construites sur les solutions au problème des trois corps apportées par Euler, Mayer, Clairaut et d’Alembert : Lacaille (Soleil, étoiles, réfraction), Clairaut, Euler, Mayer (Lune et parallaxe horizontale et mouvement horaire de la Lune), Bradley (aberration), Halley (revu par Chappe et Lalande, planètes, comètes), Maskelyne et Lalande (étoiles) ; Wargentin (satellites de Jupiter) ; Messier (nébuleuses). Lalande intègre en 1772 les distances lunaires dans la Connaissance des temps et transforme les éphémérides purement astronomiques en un almanach nautique qui entre en concurrence avec le Nautical Almanac anglais publié par Nevil Maskelyne et le Board of longitude anglais depuis 1766.
Edme-Sébastien Jeaurat lui succède de 1772 à 1785 ; Jeaurat conserve les mêmes orientations et les calculateurs-contributeurs de la Connaissance des temps. Pierre Méchain est chargé de la Connaissance des temps en 1785 et poursuit les mêmes orientations. Augmentation rapide du nombre de pages (500 pp.)
Méchain accompagne la première édition séparée de la Connaissance des temps en tables pour les navigateurs et additions pour les astronomes voulues par le Baron de Breteuil et le ministre de la Marine en 1785. Le titre change : Connaissance des temps ou des Mouvements Célestes à l’usage des astronomes et des navigateurs. Ce titre perdurera pratiquement jusqu’au XXe siècle.
Cette période est marquée par la création du premier poste de calculateur à temps complet pour les tables de la Lune et les distances lunaires en 1785 et attribué à Louis Robert Cornelier Lémery qui travaille pour la Connaissance des temps depuis 1776 environ et jusqu’à son décès en 1802.
Méchain et Lalande alternent à la rédaction de la Connaissance des temps lorsque Méchain est occupé par les opérations de la méridienne dans les années 1790. Ils sont membres du Bureau des longitudes en 1795 et la Connaissance des temps est confiée au Bureau mais cette date ne marque pas un tournant réel pour la Connaissance des temps qui est poursuivie dans le même esprit par Méchain et Lalande. Lalande fait appel au Bureau du Cadastre de Gaspard Prony pour assurer les calculs de la Connaissance des temps entre 1794 et 1802. Lorsque Méchain reprend temporairement la Connaissance des temps, il confirme deux anciens calculateurs du Cadastre comme calculateurs réguliers de la Connaissance des temps : Charles Haros et Jean-Baptiste Marion, sans qu’un « service des calculs » officiel ne soit créé (ce service n’est officiellement créé et reconnu administrativement qu’en 1881).
Pierre-Simon Laplace produit une nouvelle mécanique céleste qui conduit à la production de nouvelles tables à partir de 1802 ; Laplace prend aussi le pouvoir au Bureau des longitudes.
Le Bureau des Longitudes n’impose sa marque sur la Connaissance des temps qu’à partir du volume pour 1797 (an V).          

Epoque 4 / 1802-1871

72 volumes

Le Bureau des longitudes - La Connaissance des temps après Lalande et Laplace
Une nouvelle époque dans les contenus de la Connaissance des temps survient avec le prix proposé par le Bureau des longitudes pour l’établissement de nouvelles tables de la Lune sur la théorie de Laplace en 1802 et qui est attribué à l’Autrichien Johann Tobias Bürg. Jusqu’aux années 1840, la Connaissance des temps est construite sur des tables d’inspiration laplacienne (Delambre, Bouvard, Bürg, Burckhardt, Damoiseau, Plana-Carlini) puis on note une utilisation progressive des tables produites par Le Verrier. Après 1857, on note l’emploi des tables de Peter Andreas Hansen pour la Lune.
Le Bureau des longitudes poursuit l’œuvre de Lalande par les actions de Jean-Baptiste Delambre (ancien élève et calculateur de Lalande) (1804-1816, en tuilage avec Bouvard et Jean-Charles Burckhardt), Alexis Bouvard (1816-1829), Charles-Louis Largeteau (1830-1851), Ernest Laugier et Claude-Louis Mathieu (jusqu’en 1855).
Stabilisation d’une petite équipe de 2 à 4 calculateurs (deux principaux et 1 à 2 auxiliaires réguliers). Évolution de la Connaissance des temps : éphémérides des petites planètes, intégration des tables étendues des longitudes des ports et des lieux remarquables. Additions et évolution rapide du nombre de pages : 600 à 700 pages.
En 1854, le Bureau des longitudes est dépossédé de l’Observatoire par les actions d’Urbain Le Verrier auprès du Pouvoir. Le Bureau se retrouve sans locaux fixes d'où l'errance du Bureau et des calculateurs qui sont logés chez Mathieu, Laugier et Delaunay. La Connaissance des temps garde le même format et le même contenu. Le projet de publier la nouvelle théorie de la Lune de Charles-Eugène Delaunay conduit dans les années 1860 à une augmentation notable de calculateurs auxiliaires placés sous la responsabilité d’un superviseur, Ulysse Bouchet.
En 1864, la maison Gauthier-Villars rachète le fonds du libraire-imprimeur scientifique Mallet-Bachelier qui publiait la Connaissance des temps depuis le début du XIXe siècle (héritage de Courcier et de sa veuve) et devient l’éditeur-imprimeur des publications du Bureau des longitudes dont la Connaissance des temps. Après le conflit de 1870-71 avec la Prusse, Hervé Faye (président du Bureau de 1872 à 1893) obtient pour le Bureau des locaux au Palais de l’Institut en décembre 1874 et accompagne la création de l’observatoire de la Marine et du Bureau des longitudes au Parc Montsouris, fondé par l’Ernest Mouchez en 1875 ; cet observatoire et la Connaissance des temps emploient des calculateurs auxiliaires communs.          

Epoque 5 / 1872-1902

32 volumes


Le Bureau des longitudes et la Connaissance des temps sous la direction de Maurice Loewy (de 1872 à 1907): 
Maurice Loewy est chargé de la Connaissance des temps en 1872 et accompagne une remise à niveau de la Connaissance des temps dans sa concurrence avec le Nautical Almanac.  La Connaissance des temps atteint 900 voire 1000 pages dans les années 1880.
Loewy et Faye favorisent une évolution du statut des calculateurs (évolution de carrières, accès à la retraite), avec la création de classes de calculateurs et la structuration d’un véritable « Service des calculs » du Bureau en 1881.  Les effectifs de ce service des calculs se stabilisent autour d’une dizaine de calculateurs aux carrières souvent longues. À la fin du XIXe siècle, deux femmes font leur entrée dans ce service. Loewy accompagne le retrait des distances lunaires de la Connaissance des temps qui sera effectif en 1903 (volume de 1905). Il a aussi accompagné la création d’un extrait de la Connaissance des temps à l’usage des navigateurs en 1887 (1er volume pour 1889 collection par l’officier de Marine Jean-Jacques Adolphe Bouquet de la Grye) qui prendra plus tard le titre d’Éphémérides nautiques. 
En 1905, la Connaissance des temps a cessé d’être un almanach nautique.  Les tables du Soleil et des planètes sont désormais calculées sur la base des tables de Le Verrier (amendées ou corrigées au fil des besoins).    

 


Epoque 6 / 1902-1979 

74 volumes


Le Bureau des longitudes et la Connaissance des temps après Loewy

Poursuite de la Connaissance des temps sous le format pensé par Lalande et révisé par Loewy, par Rodolphe Radau (de 1905 à 1911), Henri Andoyer (de 1911 à 1929) ; un intérim est assuré par Maurice Hamy et Guillaume Bigourdan entre 1929 et 1931 ; puis Gaston Fayet dirige la Connaissance des temps jusqu’en 1961. André Danjon, puis Jean Kovalevski et Bruno Morando prendront la suite.
Évolutions progressives du contenu de la Connaissance des temps qui porte toujours le titre de Connaissance des temps ou des mouvements célestes à l’usage des astronomes et des navigateurs jusqu’en 1979 ! Une équipe de 12 à 14 calculateurs est constituée après la première guerre mondiale dont une proportion de calculatrices qui dépasse parfois la moitié de l’effectif.
Entre 1896 et 1911, lors de deux conférences internationales, les quatre éphémérides astronomiques et nautiques concurrentes (Connaissance des temps ; (Her Majesty) Nautical almanach ; American ephemeris and nautical almanac ; Astronomische Berliner Jahrbuch) sont progressivement standardisées et construites sur les mêmes constantes fondamentales et l’adoption de certains standards de l’astronome Simon Newcomb.
La conférence de Paris du 23-26 octobre 1911 donne la forme que la Connaissance des temps va avoir jusqu’en 1979 ; les travaux des divers services des éphémérides sont désormais coordonnés au sein de la Commission des éphémérides (Commission 4 de l’IAU). Lorsque les tables de Delaunay sont enfin terminées, ces travaux deviennent presque aussitôt obsolètes (une adaptation en est faite par Radau) ; les tables de la Lune sont désormais construites sur les nouvelles tables d’Ernest William Brown qui n’ont plus de concurrentes avant les tables numériques du Bureau qui verront le jour dans les années 1970-1980 (quelques modifications de la théorie de Brown sont faites par E. W. Woolard à Washington).
Quelques évènements marquent cette période :

Connaissance des temps 1916 : abandon du méridien de Paris pour le méridien de Greenwich

Connaissance des temps 1925 : adoption comme argument du temps, du temps civil de Greenwich dit « temps universel »

Connaissance des temps 1953 : les angles dont désormais donnés en fraction de degrés

Connaissance des temps 1960 : adoption du « temps des éphémérides » 

- À partir de 1965, les tables des « petites planètes » ou astéroïdes sont issues de l’intégration numérique par P. Herget.

Connaissance des temps 1968 : adoption du système IAU des constantes fondamentales (présenté dans la Connaissance des temps 1966) et emploi progressif de nouveaux moyens de calculs sur informatisés.


Dans les années 1968-80, Jean Kovalevski puis Bruno Morando accompagnent une nouvelle structuration du service des calculs autour des nouveaux outils informatiques et numériques.      

Epoque 7 / 1980-1998…

13 volumes


Le Bureau des longitudes après 1980 puis l’IMCCE à partir de 1998

En 1979, un changement de titre notable accompagne un changement très sensible de la Connaissance des temps. La Connaissance des temps devient Connaissance des temps ou Éphémérides astronomiques puis Éphémérides astronomiques, Connaissance des temps devenant un sous-titre à l’ouvrage. 
Le calcul de la Connaissance des temps et la présentation des éphémérides sont désormais établis sur des principes radicalement différents de ce qui se pratiquait auparavant (polynômes de Tchebichev, etc.) – On remarque le développement de nouvelles méthodes numériques originales développées au Bureau des longitudes dans les années 1980 qui modifient profondément la conception des éphémérides.
Dates repères :

- 1982 : à partir de 1982, les éphémérides du Soleil, de la Lune et des planètes 
proviennent de solutions ou de théories développées au sein même du Bureau des longitudes (notamment avec les travaux de J. Chapront et M. ChaprontTouzé, théorie ELP2000 ; P. Bretagnon, solution VSOP82 ; J.L. Simon, solution TOP82) ;

- 1985-1996 : les éphémérides des planètes sont publiées à part dans un « supplément à la Connaissance des temps » ;

- 1996 : la Connaissance des temps et les suppléments sont de nouveau rassemblés ;
Epoque 8 / De 1998 à nos jours…

-1996-1998 : création de l’IMCCE : le calcul de la Connaissance des temps passe sous la responsabilité de l’IMCCE.