Troisième époque, 1759-1804

Une troisième époque est marquée par l’arrivée de Jérôme Lalande, jeune astronome déjà réputé pour avoir assisté l’abbé Nicolas-Louis Lacaille dans la mesure de la parallaxe de la Lune en 1750-51 et participé aux calculs du premier retour calculé d’une comète (celle dite « de Halley ») en 1757-58, aux côtés du mathématicien Alexis Clairaut et de la calculatrice Nicole-Reine Lepaute, femme de l’horloger royal Lepaute.
 
Lalande va faire de la Connaissance des Temps un ouvrage personnel, ouvert aux nouveautés en matière de bibliographie astronomique, régulièrement mis à jour selon les progrès de l’astronomie, une sorte de « gazette céleste », qui sera un objet de bibliophilie dès la fin du XVIIIe siècle ! Fort de sa position de professeur au Collège Royal (l’actuel Collège de France), à l’observatoire de l’École militaire, et grâce à un réseau patiemment construit auprès des astronomes du Royaume et au-delà Lalande va recruter des calculateurs-collaborateurs qui vont enrichir la Connaissance des Temps en contenus.
 
Le nombre de pages augmente ; les « Additions » fleurissent et constituent un journal annuel de l’astronomie. Les éphémérides sont construites sur les meilleures tables astronomiques disponibles, Lalande étant partisan de la nouvelle astronomie construite sur une mécanique céleste postnewtonienne prenant en compte les solutions au fameux problème des trois-corps.
 
Avec l’aide de Nicole Lepaute et de calculateurs mobilisés, Lalande réussit à livrer la Connaissance des Temps dans un délai de 18 mois avant l’année pour laquelle elle est calculée, délai qui constituera désormais un standard implicite de publication de la Connaissance des Temps, pour permettre aux navigateurs au long cours de disposer d’éphémérides pour leur navigation.
L’heure est à la navigation savante et à la méthode des distances lunaires promue par l’astronome l’abbé Nicolas-Louis Lacaille et l’officier de la Compagnie des Indes, Jean-Baptiste d’Après de Mannevillette.
 
Avec l’aide de Maskelyne et sous l’impulsion des officiers brestois de l’Académie royale de Marine, Lalande intègre définitivement les distances lunaires dans la Connaissance des Temps à la fin de l’année 1772 (CDT 1774) avant de devenir pensionnaire de l’Académie des sciences et de devoir laisser sa place.
Ses élèves et successeurs Edme-Sébastien Jeaurat et Pierre Méchain poursuivent son œuvre avec les mêmes assistants que Lalande emploie pour ses autres œuvres astronomiques. En 1785, la Connaissance des Temps atteint un nombre de pages élevé et le ministre de la Marine de Castries, soutenu par le protecteur de l’Académie des sciences, le Baron de Breteuil, demande à l’Académie de publier une sorte d’extrait de la Connaissance des Temps, d’un nombre de pages réduit (une centaine) et vendu à moindre prix à destination des capitaines du commerce. L’enjeu est en effet la diffusion massive des nouvelles méthodes de navigation astronomique et savante.
 
Méchain accompagne en 1791 le premier volume d’une Connaissance des Temps vendue en deux parties : la partie éphémérides vendue à très bas prix pour les capitaines du commerce, et les « Additions » à un prix plus élevé à destination des astronomes et des gens de Lettres.
 
Durant la Révolution et les années Bonaparte, Méchain est avec Jean-Baptiste Delambre (un autre ancien élève de Lalande) chargé de la méridienne de France (une longue et harassante aventure humaine et scientifique). Lalande assure donc une grande partie de la rédaction et de la publication de la Connaissance des Temps avec l’aide de calculateurs qu’il recrute au Bureau du Cadastre de Gaspard Prony.  Lalande et Lakanal sont à l’origine de la création du Bureau des longitudes, sorte de résurgence d’une académie savante, l’Académie des sciences ayant été dissoute en 1793 comme toutes les académies d’Ancien Régime.
 
Outre la gestion de l’Observatoire de Paris, l’une des principales missions attribuées et confiées au Bureau est justement la parution de la Connaissance des Temps et d’un ouvrage qui verra le jour un peu plus tard, l’Annuaire ("de la République" publié par le Bureau des longitudes). La marque du Bureau ne s’imprime sur la Connaissance des Temps qu’à partir de 1797.