Première période : 1679-1701, une entreprise semi-officielle sous contrôle royal

Durant cette période, la Connaissance des temps va très rapidement évoluer puis se stabiliser. Le titre complet du premier numéro de 1679 de la Connaissance des temps est « Connoissance des temps ou Calendrier et éphémérides du lever et coucher du Soleil, de la Lune et des autres planètes avec les éclipses pour l’année 1679 calculées sur Paris et la manière de s’en servir pour les autres élévations avec plusieurs autres tables et traités d’astronomie et de physique et des éphémérides de toutes les planètes en figure ». Ce titre ressemble plus à une table des matières qu’à un titre d’ouvrage : il se simplifiera par la suite et sera modifié assez souvent comme on le voit dans la table des titres donnée en annexe. Ce premier titre montre bien le but de cette publication, il s’agit bien de publier des données astronomiques d’utilité pour le plus grand nombre et calculées pour le méridien de Paris, celui du nouvel Observatoire Royal.

Dans les premiers ouvrages, on trouve d’abord une lettre au roi suivie d’un « avis » qui explique que l’on trouvera quatre parties comme suit :

-          Une première partie simple compréhensible par « les moins intelligens » est surtout destinée au grand public

-          Une deuxième partie concerne les marées et le réglage des pendules. On voit bien que les marins et la détermination du temps sont les préoccupations principales

-          La troisième partie, plus astronomique, est destinée « aux curieux » et aux astronomes, et donne les positions des planètes

-          La quatrième partie concerne la physique et la météorologie.

En fin de texte de l’ « avis » du premier volume pour 1679, on apprend qu’il n’était prévu de commencer la publication de la Connaissance des temps qu’en 1680 mais qu’on a avancé d’une année parce que le roi devait faire un voyage en 1679 (sans doute pour les négociations de Paix après la Guerre de Hollande) et pouvait avoir besoin des éphémérides...

 

On indique bien que l’on continuera cette publication les années suivantes « en ajoutant toujours quelque chose de nouveau et de curieux ».

Dans la lettre au roi qui précède l’avertissement nous voyons que cette éphéméride se distingue de ce qui se faisait auparavant car «Lorsque j’eus l'honneur de faire voir à Vostre Majesté le dessein & l'utilité de ce petit livre, elle m'ordonna de le faire achever & me permit en même temps de lui présenter , ce que je fais avec le plus profond respect dont je suis capable, & après l'avoir épuré de toutes les choses ridicules dont ces sortes d'Ouvrages ont été remplis jusqu’à présent. ». C’est une allusion aux prévisions astrologiques ou autres que l’on pouvait trouver dans d’autres almanachs et ouvrages similaires.

Le premier ouvrage comporte 64 pages et les éphémérides sont présentées mensuellement. Les heures de lever et coucher du Soleil sont données à la minute, une précision encore suffisante aujourd’hui. Bien évidemment, ces heures sont données pour Paris mais une table donne deux fois par mois ces horaires pour Calais, Lyon et Marseille. D’autres tables donnent des données concrètes utilisables : les passages de la Lune au méridien, la distance apparente du Soleil à l’équinoxe « ce que les astronomes appellent ascension droite du Soleil », la déclinaison du Soleil dans une autre table, l’équation du temps (les cadrans solaires sont très utilisés) et la déclinaison de l’aiguille aimantée (utile pour les cadrans solaires portatifs que l’on doit orienter précisément Nord-Sud). Des instructions sont données pour l’utilisation des tables, en particulier pour le réglage des pendules (équation du temps) de jour comme de nuit. Pour les planètes on trouve les instants d’entrée dans les signes du zodiaque, ce qui permet de localiser les planètes dans le ciel. Petit à petit, les informations seront plus précises, on donnera les « vrais lieux » des planètes et de la Lune. Une table donne aussi les longitudes et latitudes des principales villes de France. Des données physiques non astronomiques sont fournies : longueurs du pendule et unité de temps, la densité des métaux (mais aussi du vin et de l’huile) et une méthode pour détecter les fausses pièces d’or. On trouvera aussi dans certains volumes jusqu’en 1688, les jours de départ des courriers pour la province. Enfin, on peut trouver des comptes rendus d’observation comme celle d’une comète dans le volume de 1681.

À la fin de l’ouvrage, le « Privilège du roi » détaille le contenu, en justifie la publication et garantit le droit d’auteur. On y signale le dépôt en deux exemplaires à la « Bibliothèque publique ».

 

Note historique :

Si l'ouvrage n'est pas signé, comme l'a montré Jacques Lévy, c'est Joachim Dalencé, conseiller du Roi, bibliothécaire de Louis XIV qui assure la liaison entre le Roi et ses astronomes. Dalencé est donc bien placé pour obtenir le privilège royal d'impression. Dalencé, sans doute appuyé par les astronomes royaux, est animé par la volonté de poursuivre les éphémérides publiées par Johann Hecker à Dantzig qui s’achèvent en 1680, comme l’indique le privilège royal. Les éphémérides de Hecker sont elles-mêmes les héritières des éphémérides de Kepler et sont établies pour le méridien de l’observatoire Uraniborg de Tycho Brahé situé sur l’île de Hven au Danemark… On comprend combien il était important pour les astronomes de Louis XIV de déterminer la différence de longitude entre l’observatoire royal de Paris et Uraniborg pour établir des éphémérides sur le méridien de Paris ; l’astronome Jean Picard fit le voyage d’Uraniborg en 1671-1672 et procéda à l’aide des éclipses du premier satellite de Jupiter. Bien que la preuve directe manque, il est convenu de penser que Dalencé fut assisté de l’astronome Jean Picard pour les premiers numéros jusqu’en 1682, année de la mort de Picard.

 

De nouveaux éléments apparaîtront à chacune des années suivantes, éléments ponctuels ou qui deviendront récurrents, et le nombre de pages atteindra vite la centaine dès 1680 puis 200 pages vers 1707. Les éclipses seront annoncées (calculées d’après les Tables Rudolphines). On donnera aussi les heures des marées dans les principaux ports.

La réfraction qui déplace les astres par rapport aux positions calculées est donnée à partir du volume de 1681. Les tables deviendront de plus en plus précises et seront accompagnées d’articles pour en comprendre le mécanisme. La notion de crépuscule au sens astronomique du terme (hauteur du Soleil) est introduite à partir de 1683 et des tables précises fournies à partir de 1684.

En 1683, le privilège d'impression est transmis à Jean Le Fèbvre, tisserand et astronome amateur que Philippe La Hire avait remarqué lors des opérations pour la méridienne de France. Lefebvre est par ailleurs auteur d'éphémérides astronomiques à la même époque, comme les astronomes de la famille La Hire le seront au début des années 1700 calculées sur leurs propres tables astronomiques. Owen Gingerich a montré que les procédures de calculs sur les Tables Rudolphines de Kepler, même révisées par Ismaël Boulliau se stabilisent lentement et que les différentes éphémérides publiées à cette époque (Connaissance des temps, éphémérides d’Argoli, de Streete, etc.) présentent des écarts pouvant être très marqués selon les planètes.

 

 L’ « avis » deviendra « avertissement » en 1686 pour longtemps (à l’exception de 1689 date à laquelle il s’intitulera « au lecteur »). En 1690, l’avertissement commencera par « mon cher lecteur » et ce sera l’unique fois… Bien que déjà utilisés par les astronomes, les phénomènes des satellites de Jupiter apparaissent en 1690 dans l’ouvrage mais ne seront signalés dans l’avertissement qu’en 1703 !

À partir de la Connaissance des temps de 1702 Jacques Lieutaud prend la direction de l’ouvrage. Il n’y aura plus de lettre au roi et le titre va changer et se raccourcir (cf. table des titres en annexe). Celles de 1694 et 1701 sont particulièrement obséquieuses et celle de 1695 fait allusion aux guerres de Louis XIV alors qu’il n’y avait aucune allusion politique jusque-là.

À partir de 1702, Jacques Lieutaud prend la direction de la Connaissance des temps suite après l'exclusion de Jean Le Fèbvre de l'Académie et l'attribution de la rédaction de la Connaissance des temps à l’Académie royale des sciences par Pontchartrain – ministre de la Marine et secrétaire de la Maison du Roi [voir Avertissement de 1701] . C'est à un adjoint de l’Académie royale des sciences qu'est confiée la rédaction de la Connaissance des temps, le contenu faisant l'objet de discussions collégiales (au moins en a-t-on les traces dans les procès-verbaux de l’Académie royale des sciences dans les années 1710-1720)… Le rédacteur de la Connaissance des temps reçoit une pension de 800 livres et fera le travail seul jusqu’en 1758.

Notons que les satellites de Jupiter disparaissent de la Connaissance des temps de 1694 à 1697. Si les satellites de Jupiter sont utilisés par les astronomes et les géographes, ils ne le sont pas encore par les voyageurs, ce qui peut expliquer leur absence dans la Connaissance des temps. À partir de 1703, les articles qui ne sont pas récurrents sont réunis en fin de volume sous l’appellation « Additions ».