Période 1789-1837 : de Méchain et Lalande à Bouvard
Pierre Méchain a succédé à Jeaurat qui a remplacé Lalande en 1772. La partie contenant les articles scientifiques s’étoffe encore, elle reprend l’intitulé d’ « Additions ». Le volume de 1789 (publié en 1786 avec trois ans d’avance) contient les travaux de Laplace sur les satellites de Jupiter ainsi qu'un article sur la découverte de deux satellites d’Uranus (encore dénommée « planète Herschel »).
L’ « Avertissement » réaffirme que l’ouvrage est destiné à « mieux contribuer à la perfection de l’Astronomie & de la Marine » et que les Marins pourront aussi y trouver les éléments utiles à la navigation. Désormais, la Connaissance des temps paraîtra avec ou sans ces additions qui seront vendues à part pour offrir un ouvrage moins cher aux marins qui ne souhaitent que les éphémérides. Le titre de l’ouvrage est peu modifié durant cette période.
La révision élargie des positions des étoiles hors Voie Lactée conduit à découvrir des objets non stellaires. Le premier catalogue de nébuleuses apparaît dans le volume pour l’année 1783 avec le catalogue de Charles Messier, toujours en usage actuellement (même s’il a été révisé à maintes reprises et intégré à des catalogues plus vastes).
Note historique :
En 1785, le Baron de Breteuil et le Maréchal De Castries exigent que les calculs des distances lunaires soient effectués sur le méridien de Paris. Le surcroît de travail nécessite de fournir un assistant au responsable de l’éphéméride. L'académie royale des sciences crée alors le premier poste de calculateur de la Connaissance des temps et recrute Louis Robert Cornelier-Lémery qui travaille pour Lalande depuis au moins 1775. Il est spécialisé dans le calcul des positions de la Lune et des tables de la Lune. Il est rémunéré comme un pensionnaire de l’Académie, à hauteur de 1200 Livres par an. Lémery sera le pilier des calculs de la Connaissance des temps du Bureau du cadastre puis du Bureau des longitudes, jusqu'à son décès en octobre 1802.
La période révolutionnaire va concerner la Connaissance des temps principalement pour des raisons de calendrier. À partir de 1794 (publication en 1792), le terme « royal » disparaît, comme on le voit dans l'avertissement, remplacé par « national ». M. de Lambre, M. de la Place deviennent les citoyens Delambre et Laplace. Dans la Connaissance des temps de 1795 (publiée en 1794), le calendrier républicain apparaît et l’année 1795 sera suivie de l’an IV des français qui remplace 1796. Les années grégoriennes et républicaines ne se superposant pas, on trouvera les éphémérides successivement comme suit :
- 1795 : du 12 nivôse an III au 10 nivôse an IV
- an IV : du 23 septembre 1795 au 21 septembre 1796, il y a donc double publication pour la période du 22 septembre au 31 décembre 1795
- an V à l’an XV : du 22 ou 23 septembre au 22 ou 23 septembre
- 1808 : du 23 septembre 1807 au 31 décembre 1808, une durée de plus d’une année (voir avertissement de 1808).
Les années suivantes redeviennent grégoriennes.
On remarquera qu’il n’y a pas toujours une bonne concordance entre les dates de début d’année annoncées sur la couverture et les dates de début des éphémérides (21, 22 ou 23 septembre).
Nous ne verrons que peu de changements au contenu : les nouvelles mesures de la République (le système métrique) sont annoncées dans l’avertissement de 1795. Les paramètres utiles à la détermination des fêtes religieuses (épacte, nombre d’or,…) vont seulement disparaître pendant quelques années et revenir dès l’an XIII (1805).
Notons qu’en 1794 la Connaissance des temps est publiée par ordre de l’académie des sciences par M. Méchain. Cette mention disparaît en 1795, et, en 1796 (an IV), la Connaissance des temps est désormais publiée par ordre du Bureau des longitudes, institution créée en juin 1795 (loi du 7 Messidor an III). Elle le restera définitivement. La liste des membres du Bureau des longitudes est publiée à la fin de l’ouvrage à partir de 1797 (an V). Dans ce même ouvrage, il est fait allusion à l’Annuaire du Bureau des longitudes qui reprend certaines données de la Connaissance des temps.
Les volumes de 1794 à 1802 sont calculés avec l'assistance du Bureau du Cadastre de Gaspard Prony, sollicité par Lalande qui assure la continuité pendant que Pierre Méchain et Jean-Baptiste Delambre sont occupés par les opérations célèbres de la méridienne de Dunkerque à Barcelone. Certains des calculateurs du Bureau continuent leur travail à partir de 1802 quand le Bureau du Cadastre est supprimé : Jean-Baptiste Marion et Charles Haros deviennent calculateurs du Bureau en 1802 aux côtés de Lémery.
Le nombre de pages atteint alors près de 500 jusqu’en 1812 où il retombera à 200 puis reviendra à 350.
À partir du volume de l’an IV (1796) et jusqu’au volume de 1817, puis à nouveau de 1839 à 1913, la date de publication deviendra plus précise, on donnera aussi le mois et non plus seulement l’année.
Les avertissements sont assez divers en ce début du XIXème siècle. Certains atteignent 8 pages et décrivent le contenu et l’histoire de l’ouvrage comme par exemple en 1808. Pierre-Simon de Laplace insère de nombreux articles dans les additions. En 1818 les ascensions droites de la Lune sont données avec plus de précision (la seconde plutôt que la minute) et en 1820 le nombre de positions géographiques augmente. Régulièrement on annonce une amélioration et une augmentation des tables pour les marins : c’est pourquoi, à partir de 1834, les éphémérides comportent 18 pages par mois au lieu de 12. À partir de 1830 les « Additions » ont des pages numérotées séparément du reste de l’ouvrage (du fait de la vente d’ouvrages sans additions).
Dans le volume de 1806 (comme d’ailleurs ultérieurement dans les volumes de 1822 et 1867), on trouve une « table alphabétique des matières et des tables contenues dans les volumes de la Connaissance des tems, depuis 1760 jusqu’à 1805 » qui donne les références par volume des différents articles publiés. En fait, il ne s’agit que des tables ou articles non récurrents qui, d’ailleurs, existaient déjà avant 1760. Ces articles concernent essentiellement soit des observations, soit des développements théoriques ou des tables que l’on ne publiera pas tous les ans. Ces articles ne sont pas toujours inclus dans une partie spéciale « Additions », il n’y a en fait aucune logique dans ces publications si ce n’est que ces textes sont intéressants pour scientifiques et astronomes. C’est seulement à partir de 1789 qu’une partie « Additions » se détachera clairement. On y trouve aussi des observations géographiques, magnétiques ou météorologiques. Ces « Additions » feront l’objet d’une étude et d’une présentation ultérieures.
Note historique :
Avec la loi de juin 1795 (du 7 messidor an III), le Bureau hérite de la tutelle de l’Observatoire de Paris et se trouve à conduire le patronage de l’astronomie française, très bien étudié par Jean-Marie Feurtet.
Les tables sur lesquelles sont calculées les éphémérides évoluent. Après avoir été construites sur les tables post-newtoniennes et bâties par Euler et Clairaut qui ont développé des solutions au problème des trois corps, la nouvelle mécanique céleste (Traité publié de 1799 à 1825) de Pierre-Simon de Laplace autorise une mise à jour des méthodes de la mécanique céleste et de toutes les tables astronomiques. Le Bureau propose des prix pour de nouvelles tables de la Lune et, au gré des conquêtes napoléoniennes, des astronomes autrichiens viennent travailler à Paris : c’est le cas de Jean-Charles Burckhardt qui devient un acteur important de la Connaissance des temps, et Johann Tobias Bürg remporte le prix du Bureau de 1802. Jean-Baptiste Delambre met à jour les tables du Soleil que Lacaille avaient bâties sur le problème des trois corps de Clairaut. Toutes les tables sont désormais travaillées dans la théorie newtono-laplacienne de la gravitation. Elles gagnent en précision et qualité.
Lalande assure donc la continuité des éphémérides entre la chute de l’Ancien Régime et l’avènement du Premier Empire. Lorsque Méchain est éloigné par les opérations de la méridienne, c’est Alexis Bouvard, Jean-Charles Burkhardt et Michel LeFrançois, membres adjoints du Bureau des longitudes, qui assurent une partie des calculs de la Connaissance des temps à partir de 1796 (toujours avec l’appui des « coopérateurs » spontanés de Lalande…). Lalande s’occupe des « Additions » jusque vers 1805 (il décède en 1807).