Période 1838-1863 : de Largeteau à l’officialisation d’un premier « Bureau des calculs »

Dès 1836, des changements importants interviennent : nous sommes passés du temps vrai au temps moyen pour toutes les éphémérides et la présentation de celles-ci change : à la présentation mensuelle des éphémérides de tous les corps succède une présentation par corps sur toute l’année.

Depuis 1801, la liste des planètes citées dans les premières pages augmente régulièrement avec la découverte des astéroïdes, appelés alors « planètes télescopiques ».  Ainsi en 1806 (publication en 1804), la liste des planètes comprend outre les planètes visibles à l’œil nu, les planètes « Herschel, Piazzi et Olbers » qui vont devenir dès 1807 Uranus, Cérès et Pallas. Junon et Vesta les rejoindront rapidement. En 1849, deux nouvelles planètes Astrée et Le Verrier qui deviendront Astrée et Neptune en 1850 s’ajoutent à la liste. En 1851, les petites planètes sont au nombre de 8 : Flore, Vesta, Iris, Hébé, Astrée, Junon, Cérès, Pallas. Et voici Métis en 1852, Victoria, Parthénope, Hygie en 1853, Egérie, Irène, Eunomia en 1854. Elles seront 22 en 1855, 27 en 1856, 33 en 1857, …

Pour les satellites de Jupiter, les tables de Damoiseau de Montfort ont succédé aux tables de Delambre dans la Connaissance des temps de 1841 (publiée en 1838).

 

Note historique :

Une équipe de calculateurs se stabilise à deux calculateurs et un auxiliaire, ce qui fait parfois dire qu’il existe un « Bureau des calculs » dès 1802… Il n’en est rien : la gestion de ces personnels se fait au coup par coup. Les procès-verbaux nous indiquent qu’il faut attendre avril 1863 pour que soit officialisé un « Bureau des calculs », puis 1881 pour que ce service soit réglementé et budgétisé au niveau ministériel. Pour la première moitié du XIXe siècle, les calculateurs réguliers sont Jean-Baptiste Marion qui prend sa retraite en 1834 ; Haros est remplacé en 1809 par Lebaillif-Mesnager qui calculera jusqu’en 1859 (la plus grande longévité connue chez les calculateurs du bureau). Enfin, le chimiste atomiste et développeur-entrepreneur de la photographie Marc-Antoine Gaudin entre en 1834 et calculera jusqu’en 1872 ! L’ingénieur-géographe Montalant sera auxiliaire entre 1830 et 1844, remplacé par Servier. Parfois,  le concierge ou le garçon de Bureau sont mis à contribution pour respecter le délai de livraison de la Connaissance des temps 18 mois à l’avance… La professionnalisation de calculateur du Bureau des longitudes est en marche.

Les directions de Bouvard puis de Charles-Louis Largeteau se traduisent par une publication soutenue, des volumes de la Connaissance des temps paraissent jusqu’à 3 ans à l’avance, presque au même rythme que le concurrent anglais !

Les articles scientifiques sont toujours publiés dans les « Additions ». En particulier, Urbain Le Verrier publie ses recherches sur le mouvement d’Uranus qui lui permettent de découvrir Neptune. Le Verrier appelle toujours Uranus « Herschel » et Neptune « Le Verrier » mais le Bureau des longitudes adoptera les noms d’Uranus et Neptune dès 1850.

Les tensions croissantes au sein du Bureau dues à la hargne d’Urbain Le Verrier contre François Arago et ses partisans ne transparaissent pas dans la Connaissance des temps. La séparation du Bureau de l'Observatoire du décret de 1854 inspiré au Pouvoir par Le Verrier, reste presque sans effet dans la conduite de la publication de la Connaissance des temps (alors que Le Verrier, y voyant trop d’erreurs et ne faisant pas assez appel à ses propres tables et travaux, souhaitait la supprimer purement et simplement pour ne laisser que le Nautical Almanac anglais sur le marché, réputé meilleur et plus complet — alors que les critiques étaient symétriques de l’autre rive du Channel…). Toutefois, dans les années 1850-1860 le Bureau des longitudes se retrouve sans locaux fixes et se trouve à la merci du bon vouloir de Le Verrier qui peut lui refuser l’accès à la salle de réunion ou à la bibliothèque de l’Observatoire, lui refuser le bois de chauffage en hiver, etc. En 1862, le Ministère redonne au Bureau des longitudes de nouveaux moyens.