6. La Table des réfractions de Laplace

Pierre-Simon de Laplace (1749-1827), mathématicien et membre du Bureau des longitudes dès sa création en 1795, à l’éclectisme scientifique rare décide après des travaux de mécanique céleste de traiter la théorie des réfractions astronomiques. Pour cela, il considère différents systèmes d’atmosphère et en conclut que la constitution réelle de l’atmosphère est intermédiaire entre celle donnée par l’hypothèse des pressions proportionnelles aux densités et par celle donnée par l’hypothèse des pressions proportionnelles aux carrés des densités. Il est ainsi conduit à établir entre les pressions et les densités une relation hypothétique mêlée des deux dernières hypothèses qui est alors introduite dans l’équation différentielle de la réfraction. Les formules obtenues par Laplace (Mécanique céleste, tome IV, Livre X, p.268 et 271, 1805) ont été numériquement évaluées par Bouvard et Arago, et converties en Tables publiées à partir de 1809 dans la Connaissance des Temps. Ces Tables ont été calculées de degré en degré depuis le zénith jusqu’à 80° de distance zénithale apparente, puis de 10ʹ en 10ʹ depuis 80° jusqu’à 90°30ʹ.

La théorie de Laplace repose sur une hypothèse relative à la loi de constitution de l’atmosphère et notamment à partir de la détermination expérimentale d’une loi reliant la pression à la densité. Il restait cependant des doutes sur la loi de variation de la température dans l’atmosphère.

Pour les distances zénithales apparentes moindres que 60° :

 

\(\rho =\alpha \tan z+\frac{{{\alpha }^{2}}}{2}\frac{\left( 1+2\cos {{z}^{2}} \right)\tan z}{\cos {{z}^{2}}}-\alpha \frac{l}{a}.\frac{\tan z}{\cos {{z}^{2}}}\)

                              [7]

Avec l = 7974m, a = 6366198 m et α = 0,000293876 (valeur obtenue par Delambre).

 

Fig.7 : Table des réfractions selon Laplace publiée dans la Connaissance des Temps pour 1835

Notons qu’en 1830 parait le célèbre ouvrage de Friedrich Wilhelm Bessel (1784-1846), les Tabulae Regiomontanae où figure une nouvelle théorie de la réfraction et les tables qui y sont associées. Longtemps considérées comme les meilleures tables de réfraction, elles seront utilisées par Airy à Greenwich.

En fait les deux tables s’accordent à moins de 1" jusqu’à 80° du zénith ; de 80° à 88° les nombres de la table française surpassent ceux de la table de Bessel ; l’excès est de 2" à 8° et de 4" à 88°. Le doute est jeté sur la table française surtout à cause de la valeur adoptée pour la réfraction horizontale.

Delambre avait fixé la valeur de la réfraction horizontale à 33ʹ46,3" à partir de l'analyse d'une centaine d'observations ; les tables de Bessel la donnent à 36ʹ30", soit 2ʹ44" de trop. Si ces erreurs sont sans importance dans la pratique, parce qu’on fait rarement des observations près de l’horizon, d’un point de vue théorique, elles permettent de valider ou privilégier une théorie sur une autre.

Cependant, en France les Tables de Laplace restent la règle notamment dans la Connaissance des Temps. On peut y voir peut-être la marque de François Arago (1786-1853) entré dès 1802 au Bureau des longitudes comme secrétaire où il siègera comme astronome-adjoint en 1809 puis comme astronome à partir de 1824. François Arago fera toute sa carrière à l’Observatoire de Paris. Il y deviendra le directeur des observations en 1834 puis le directeur administratif en 1843. Il donne la priorité aux artistes français dans le renouvellement de l’équipement instrumental de l’Observatoire. Laplace était également un membre éminent du Bureau des longitudes jusqu’à sa mort en 1827. On peut donc comprendre pourquoi les Tables de Laplace ont perduré au sein de la Connaissance des Temps.