Introduction

La Connaissance des temps (CDT par la suite) est publiée à partir de mars 1679. Si l’ouvrage comporte des « Explications » comme autant de petits et courts exemples d’usage des éphémérides, il n’existe aucun manuel ou mode d’emploi de ces éphémérides avant la moitié du XVIIIe siècle. La CDT fait appel à des savoirs implicites ; il s’adresse en effet à des personnes déjà instruites, astronomes, gens de la (future) « République des Lettres », ou officiers de marine. Il faut attendre 1762 pour voir le premier mode d’emploi de la CDT, publié par Jérôme Lalande, à une époque où l’astronomie est en plein bouleversement post-newtonien. À cette époque, le calcul intégral fait son irruption dans le calcul astronomique, la méthode des perturbations planétaires inventée conjointement par de grands « géomètres » du siècle — Euler, Clairaut, d’Alembert — conduit à réformer les théories et tables astronomiques. Les rédacteurs des éphémérides doivent aussi tenir compte d’un public auquel les éphémérides s’adressent de plus en plus, les navigateurs, dont la plupart n’ont reçu de leur éducation que l’usage des quatre opérations, de la règle et du compas. Or les nouvelles méthodes savantes de détermination des longitudes en mer, — les distances lunaires — exigent d’eux des calculs logarithmiques de trigonométrie sphérique et des interpolations dans les calculs pour une précision qui descend très rapidement au niveau de la minute d’arc pour les tables de la Lune, désormais accessibles à l’aide des nouveaux instruments d’optique (lunettes achromatiques et sextants notamment). Lalande, et son aîné à l’Académie, l’abbé Nicolas-Louis Lacaille (et d’autres astronomes) sont sensibles à une adaptation des méthodes prenant en compte le niveau réel de formation des navigateurs. Une nouvelle littérature voit ainsi le jouri.

Nous présentons ici une petite revue de presse de ce que l’on peut appeler des « modes d’emploi » ou des manuels d’usage de la Connaissance des temps (CDT par la suite) Ces ouvrages sont au nombre de quatre (dont l’un comporte deux éditions) et s’échelonnent de 1762 à 1997 :

  • Jérôme Lalande, L’exposition du calcul astronomique (Paris, Imprimerie royale, 1762) ;

  • Louis-Benjamin Francœur, Astronomie pratique. Usage et composition de la Connaissance des temps. Ouvrage destiné aux astronomes, aux marins et aux ingénieurs (Paris, Bachelier, deux éditions : 1830 et 1840) ;

  • Abel Souchon, Traité d’astronomie pratique comprenant l’exposition du calcul des éphémérides astronomiques et nautiques d’après les méthodes en usage dans la composition de la Connaissance des temps et du Nautical Almanac (Paris, Gauthier-Villars, 1883) ;

  • Bureau des longitudes, Simon J.-L., Chapront-Touzé M., Morando B., Thuillot W. (dir.), Introduction aux éphémérides astronomiques. Supplément explicatif à la Connaissance des temps (Paris, EDP Sciences), 1997.

 

En préambule, soulignons qu’aucun des trois premiers ouvrages ne répond à une commande officielle. Ils ont tous en commun de résulter d’une initiative personnelle. Jérôme Lalande a été rédacteur et porteur de la CDT pendant près de cinquante années pour l’Académie royale des sciences sous l’Ancien régime puis le Bureau des longitudes après la Révolution jusqu’au premier Empire ! Louis-Benjamin Francœur, issu de l’École polytechnique, voit son œuvre partagée entre ouvrages savants et éducation à destination du peuple. Astronome et calculateur à l’observatoire de Paris, Abel Souchon est élu membre adjoint du Bureau des longitudes en 1875 et devient un temps assistant de Maurice Loewy pour la CDT et assistant des calculs à l’Observatoire du Bureau des longitudes au parc Montsouris sous la direction d’Ernest Mouchez. Deux de ces auteurs sont donc directement impliqués dans la production de la CDT. Enfin, en 1997, c’est le service des calculs du Bureau des longitudes, chargé de la rédaction de la Connaissance des temps, qui publie un volume d’éclaircissements sur la construction des éphémérides, les outils numériques ayant considérablement modifié l’approche du calcul des éphémérides après les années 1980. Bien que cet ouvrage soit en cours de réédition, nous en précisons les contenus.

Nous adoptons un exposé systématique pour les trois premiers ouvrages : l’auteur et ses motivations (le contexte de leur composition tel qu’il nous est connu), un aperçu du contenu de l’ouvrage et ses recensions les plus pertinentes. Nous prenons quelques entrées seulement qui nous semblent significatives de l’évolution de l’éphéméride et du regard porté par ces auteurs, dans le cadre des orientations choisies pour notre vaste étude. Il n’est évidemment pas possible ici d’être « complet ». Nous donnons les liens Internet qui permettent au lecteur de se plonger dans ces ouvrages.

Nous terminons en signalant quelques ouvrages, essentiellement des Traités de navigation ou d’astronomie pratique qui font une référence explicite aux tables de la Connaissance des temps.

Bonnes lectures.

i. Guy Boistel, 2010, Diffusion et mutation des méthodes de l’astronomie nautique, 1749-1905, Thèse d’habilitation à diriger des recherches, Histoire, Philosophie et Sociologie des sciences. Université de Nantes. URL : https://halshs.archives-ouvertes.fr/tel-01341041/document.Voir les articles 1 et 2 de la seconde partie notamment.