Introduction

Écrire l’histoire d’un ouvrage astronomique si particulier qu’est la Connaissance des temps, appartenant à un genre littéraire, l’éphéméride astronomique, sur une durée de plus de 250 années est une entreprise passionnante mais délicate.
 
Au-delà des colonnes de chiffres a priori arides et secs, il y a l’histoire de plusieurs institutions scientifiques (les deux académies des sciences et le Bureau des longitudes ; mais aussi l’Observatoire de Paris et quelques observatoires des provinces, un temps placés sous la tutelle du Bureau[1]), l’histoire de choix scientifiques faits pour s’adapter aussi bien à des évolutions et progrès scientifiques, qu’aux demandes souvent contradictoires de ses utilisateurs (astronomes, navigateurs, écoles de navigation, géographes, explorateurs, etc.), de ministres de tutelles et d’institutions scientifiques.
 
C’est aussi aborder une histoire du livre de science, et plus particulièrement les relations entre les Institutions et quelques-uns des principaux libraires imprimeurs éditeurs scientifiques au XIXe siècle (Courcier, Mallet-Bachelier, Gauthier-Villars, eux-mêmes en filiation directe).
Un complément à cette introduction se trouve dans la lecture proposée par Jean-Eudes Arlot et Guy Boistel , « La Connaissance des temps lue à travers ses Avertissements ».

 

La Connaissance des temps, une lointaine héritière de Kepler 

La Connaissance des temps est l’héritière d’une tradition post-copernicienne remontant aux éphémérides que le célèbre astronome Johannes Kepler avait publiées à partir de 1627 dans sa révision des tables de son mentor Tycho Brahé, les Tables Rudolphines (en hommage à l’Empereur Rodolphe II et leur protecteur qui les avait fait venir à Prague).
 
La Ville de Dantzig (Gdansk) rassemble les disciples de Kepler et c’est avec l’astronome Johann Hecker que les éphémérides de Kepler connaissent un renouveau. Comme de nombreux astronomes au milieu du XVIIe siècle, Hecker souhaite éradiquer toute connotation astrologique des éphémérides astronomiques et intégrer les nouvelles procédures de Kepler qui font basculer le Monde céleste dans un héliocentrisme incontestable.
Hecker décédé et ses éphémérides n’étant calculées que pour l’année 1680 seulement, les astronomes rassemblés par Louis XIV au sein d’une toute nouvelle Académie des sciences, forment le projet de publier de nouvelles éphémérides.
 
Mais les astronomes royaux sont dispersés par les opérations de cartographie du royaume de France dans les années 1670, et c’est un conseiller et bibliothécaire du Roi, faisant la jonction avec l’Académie des sciences, Joachim Dalencé, qui va obtenir le privilège royal pour la publication de cette éphéméride.
 
 
Aidé au début par l’astronome l’abbé Jean Picard, Dalencé livre ainsi le premier volume de la Connaissance des temps dans les premiers jours du mois de Mars 1679, dans un format pouvant aisément tenir dans la poche : on y trouve le calendrier astronomique habituel donnant tous les jours de l’année les heures des levers et couchers du Soleil et de la Lune, des éléments de leurs coordonnées célestes destinés à trouver l’heure la nuit ; les positions des planètes et leurs configurations particulières (éléments à forte connotation astrologique) ; les dates des éclipses ; on y trouve aussi des instructions pour l’utilisation de ces tables, sur l’utilisation des oscillations du pendule et le moyen de déterminer l’heure par des observations astronomiques.

 


[1] Les observatoires de Nice, d’Alger et de La Plata ; l’observatoire de la Marine et du BDL au Parc Montsouris, notamment.